HADOPI recalé. Et après?
Hier, le Conseil Constitutionnel, saisi par plus de 60 députés de l'Assemblée Nationale, a déclaré contraire à la Constitution les principales dispositions de la loi HADOPI. Les annulations concernent en particulier les articles 5 et 11 de la loi qui mettait en place une nouvelle autorité, qui la dotait de pouvoirs administratifs particuliers avec une compétence couvrant tous les citoyens français. De plus, la loi prévoyait une obligation de surveillance de leur propre connexion par les citoyens afin qu'elle ne serve pas à télécharger illégalement. La plupart des opposant au projet avançaient comme argument de droit à la liberté d'expression et le caractère (devenu, et devenant) fondamental du droit d'accès à Internet.
Sur ces points, le Conseil a précisé dans l'alinéa 15 de de décision : "la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés » et « que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi ». En se basant sur ce principe, le Conseil annule une grande partie des dispositions prévues par HADOPI comme étant non proportionnées à l'objectif poursuivi. En clair, on ne peut mettre à mal un droit fondamental uniquement dans le but de protéger les ayant droits de propriété intellectuelle. Sur ce point, le Conseil ne manque pas de préciser qu'il s'agit là aussi d'une droit fondamental mais que la frontière entre les deux droits doit être fixée sans que l'un n'empiète trop sur l'autre.
Concernant le droit d'accès à Internet et sa protection, le Conseil s'en remet tout simplement à la Déclaration de droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (qui figure en préambule de la Constitution de la Veme république) et à son article 11 : " La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi " ; qu'en l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services".
Une citation qui se passerait presque de commentaire quand au possible devenir de la loi HADOPI... Il faut ici insister sur le "en l'état actuel des communications" qui permet au Conseil de ne pas forcément ériger le droit d'accès à Internet comme fondamental et immuable dont tout un chacun pourrait se prévaloir mais plus simplement comme un acquis qu'il faut protéger.
Le Conseil Constitutionnel a enfin relevé dans la loi HADOPI des atteintes à la présomption d'innocence et à même exprimé une réserve quand au respect du secret des correspondances. De même, il a totalement remis en cause le circuit "surveillance-transmission-sanction" prévu par la loi qui ne prévoyait aucun recours vers une juridiction légale. Au final, la loi HADOPI demeure "promulgable" par le Président de la République mais en version "Light". Le Conseil se permet même d'indiquer quel devrait être son rôle, sans aucun pouvoir de sanction : prévenir les abonnés par lettre si il s'avère qu'ils téléchargent (le principe de surveillance étant à revoir) et que son rôle soit uniquement "préalable à une procédure judiciaire" et qu'il serve (non sans humour) à "limiter le nombre d'infractions dont l'autorité judiciaire sera saisie".
En bref, la machine infernale épistolaire et punitive qu'était HADOPI se verrait transformée en simple courroie de la Justice, avec modération. Le principe de la riposte graduée (courriel, lettre simple, lettre AR puis sanction) demeure donc accessible à l'HADOPI mais uniquement si elle saisit une juridiction compétente (en clair : un tribunal avec de vrais juges et un vrai système de défense).
Le gouvernement a indiqué aujourd'hui vouloir poursuivre la création d'HADOPI, évidemment en tenant compte des annulations et réserves du Conseil Constitutionnel. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter la décision du Conseil Constitutionnel.
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