GDC: Async Compute : ce qu'en dit Nvidia

Publié le 23/03/2016 à 18:31 par
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Nous avons bien entendu profité de la GDC pour questionner Nvidia en vue d'en apprendre plus sur ce dont sont capables ses GPU en terme de prise en charge du multi engine de DirectX 12… sans réel succès ?

Au coeur de DirectX 12, cette fonctionnalité permet de décomposer le rendu en plusieurs files de commandes, qui peuvent être de type copy, compute ou graphics, et de gérer la synchronisation entre ces files. De quoi permettre aux développeurs de prendre le contrôle sur l'ordre dans lequel les tâches sont exécutées ou encore de piloter directement le multi-GPU. Cette décomposition permet également dans certains cas de profiter de la capacité des GPU à traiter plusieurs tâches en parallèle pour booster les performances.


Illustration du Multi Engine de DirectX 12, qui permet de traiter plusieurs files de commandes en parallèle.

C'est ce qu'AMD appelle Async Compute, bien que le terme ne soit pas correct. En effet, l'exécution asynchrone d'une tâche n'implique pas qu'elle soit traitée en concomitance d'une autre, or c'est ce dernier point qui est crucial et permet un gain de performances. Les GPU AMD profitent de multiples processeurs de commandes capables d'alimenter les unités de calcul du GPU à partir de plusieurs files différentes. Un traitement en simultané des tâches qui permet de maximiser l'utilisation de toutes les ressources du GPU : unités de calcul, bande passante mémoire etc.

Du côté de Nvidia c'est plus compliqué. Si les GeForce sont capables de prendre en charge les files copy en parallèle des files compute et graphics, traiter ces deux dernières en concomitance semble poser problème. Théoriquement les GPU Maxwell 2 (GTX 900) disposent d'un processeur de commandes capables de prendre en charge 32 files dont une peut être de type graphics. Et pourtant ce support n'est toujours pas fonctionnel en pratique, comme le démontrent par exemple les performances des GeForce dans Ashes of the Singularity.

Pourquoi ? Jusqu'ici, nous n'avons pu obtenir de réelle réponse de Nvidia. Alors bien entendu nous avons voulu profiter de la GDC pour tenter d'en savoir plus et avons questionné Nvidia lors d'un meeting organisé avec Rev Lebaredian, Senior Director GameWorks. Malheureusement pour nous, cet ingénieur qui fait partie du groupe de support technique aux développeurs de jeux vidéo avait été très bien préparé à ces questions qui concernent les spécificités du support du multi engine. Ses réponses ont au départ été mot pour mot celles de la brève déclaration officielle de Nvidia communiquée à la presse technique depuis quelques mois. A savoir "les GeForce Maxwell peuvent prendre en charge l'exécution en concomitance au niveau des SM (groupes d'unités de calcul)", "ce n'est pas encore actif dans les pilotes", "Ashes of the Singularity n'est qu'un seul jeu (pas trop important) parmi d'autres".

Une langue de bois inhabituelle qui démontre, si cela était encore nécessaire, que cette question dérange chez Nvidia. Nous avons donc changé d'approche et pour sortir de l'impasse nous avons abordé le sujet sous un angle différent : est-ce que l'Async Compute est important (pour les GPU Maxwell) ? De quoi détendre Rev Lebaredian et ouvrir la voie à une discussion bien plus intéressante. Deux arguments sont alors avancés par Nvidia.

D'une part, si Async Compute est un moyen d'augmenter les performances, ce qui compte au final ce sont les performances globales. Si les GPU GeForce sont à la base plus performants que les GPU Radeon, le recours au multi engine pour tenter de booster leurs performances n'est pas une priorité absolue.

D'autre part, si le taux d'utilisation des différents blocs des GPU GeForce est relativement élevé à la base, le gain potentiel lié à Async Compute est moins important. Nvidia précise sur ce point que globalement il y a beaucoup moins de trous (bubbles en langage GPU) au niveau de l'activité des unités de ses GPU que chez son concurrent. Or le but de l'exécution concomitante est d'exploiter une synergie dans le traitement de différentes tâches pour remplir ces "trous".

Derrière ces deux arguments avancés par Nvidia se cachent en fait celui de la bonne planification d'une architecture GPU. Intégrer dans les puces un ou des processeurs de commandes plus évolué a un coût, un coût qui peut par exemple être exploité différemment pour proposer plus d'unités de calcul et booster les performances directement et dans un maximum de jeux.

Lors du développement d'une architecture GPU, une bonne partie du travail consiste à prévoir le profil des tâches qui seront prises en charge quand les nouvelles puces seront commercialisées. L'équilibre de l'architecture entre ses différents types d'unités, entre la puissance de calcul et la bande passante mémoire, entre le débit de triangles et le débit de pixels, etc., est un point crucial qui demande une bonne visibilité, beaucoup de pragmatisme et une vision stratégique. Force est de constater que Nvidia s'en tire plutôt bien à ce niveau depuis quelques générations de GPU.

Pour illustrer cela, faisons quelques petites comparaisons entre le GM200 et Fiji sur base des résultats obtenus dans Ashes of the Singularity sans Async Compute. La comparaison est grossière et approximative (le GM200 exploité est tiré de la GTX 980 Ti qui en exploite une version légèrement castrée), mais reste intéressante :

  • GM200 (GTX 980 Ti) : 6.0 fps / Gtransistors, 7.8 fps / Tflops, 142.1 fps / To/s
  • Fiji (R9 Fury X) : 5.6 fps / Gtransistors, 5.8 fps / Tflops, 97.9 fps / To/s

Nous pourrions faire de même avec de nombreux jeux et le résultat serait similaire, voire encore plus marqué (AotS est particulièrement efficace sur Radeon) : le GM200 exploite mieux les ressources à sa disposition que Fiji. C'est un choix d'architecture, ce qui n'implique pas directement qu'il est meilleur qu'un autre. Augmenter le rendement de certaines unités peut avoir un coût supérieur à l'augmentation de leur nombre dans une mesure plus importante. Le travail des architectes consiste à trouver le meilleur équilibre à ce niveau.

De toute évidence, AMD a plutôt misé sur les débits bruts de ses GPU, ce qui implique en général un rendement inférieur et plus d'opportunité d'optimisation au niveau de celui-ci. Ajoutez à cela que l'organisation de l'Async Compute dans AotS semble plutôt optimiser l'utilisation du surplus de bande passante mémoire et vous comprendrez aisément qu'il y a moins à gagner du côté de Nvidia. D'autant plus que les commandes de synchronisation liées à Async Compute ont un coût qui ne sera masqué que par un gain significatif.

Si notre propre réflexion nous amène à être plutôt d'accord avec ces arguments de Nvidia, il reste un autre point important pour les joueurs et c'est probablement ce qui fait que le numéro un du GPU aborde le sujet du bout des lèvres : Async Compute apporte un gain gratuit aux utilisateurs de Radeon. Alors que cette possibilité a été prévue dans les GPU AMD depuis plus de 4 ans, ils n'ont pas pu en tirer un bénéfice commercial, ils n'ont pas été vendus plus chers pour la cause. Cela change quelque peu avec la dernière gamme d'AMD qui mise fortement sur ce point, mais, en terme de perception, les joueurs apprécient d'obtenir gratuitement un tel petit coup de boost, même s'il ne concerne qu'une poignée de jeux. A l'inverse, le rendement globalement plus élevé des GPU Nvidia a pu avoir un bénéfice immédiat dans un maximum de jeux, et a pu être pris en compte directement dans le tarif des GeForce. Et du point de vue d'une société dont le but n'est pas d'afficher des pertes, il est évident qu'une approche a plus de sens qu'une autre.

Reste que nous sommes en 2016 et que l'exploitation de l'Async Compute devrait progressivement se généraliser, notamment grâce à la similitude entre l'architecture des GPU des consoles et celle des Radeon. Nvidia ne peut donc pas totalement ignorer cette possibilité qui pourrait réduire voire supprimer son avance en termes de performances. Sans rentrer dans le moindre détail, Rev Lebaredian a ainsi tenu à réaffirmer qu'il y avait bel et bien des possibilités au niveau des pilotes pour implémenter un support qui permette de profiter dans certains cas d'un gain de performances avec l'Async Compute. Des possibilités que Nvidia réévalue en permanence, non sans oublier que ses futurs GPU pourraient changer la donne à ce niveau.

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