Test : l'influence de l'électronique sur les couleurs des LCD

Publié le 31/01/2006 par
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Un dithering sur 8, 10, 14 bits ?
Quatre types d’images ont été examinés : une mire 8 bits, une 8 bits avec dithering (dégradé + progressif), une mire de 16 millions de couleurs (8 bits toujours) et des images médicales noir et blanc de 12 bits.

Parmi les quatre écrans, un seul se vante de particularités d’affichage des couleurs : le Eizo L887 parle d’un traitement interne sur 14 bits. Nous n’avons pas vraiment réussi à obtenir de détails à ce sujet. Car en fait, l’écran n’a de toute façon qu’en entrée 8 bits. Il y a ensuite dans l’écran une extrapolation sur 14 bits, qu’on imagine plus intelligente que de rajouter 6 zéros derrière les valeurs 8 bits. Pour cela, il faut donc que l’écran procède à un dithering de l’image, qu’il la recalcule en s’appuyant sur les pixels avoisinant chacun pour établir des moyennes plus fines.

Un rappel sur ce qu’est le dithering peut être utile. Les écrans TN sont tous des 6 bits en natifs, +FRC peut on lire parfois dans leurs caractéristiques. FRC = dithering.
Les TN pratiquent un dithering 6 -> 8 bits
6 bits = 64 niveaux par composants RVB, 64 valeurs de tensions appliquées aux cristaux. Quand on dispose de jeux en 16 millions de couleurs, se contenter de 64 x 64 x 64 = 262 K paraît inconcevable. Un processeur se charge donc d’interpoler le signal sur 8 bits. Il rajoute deux zéros à chaque fois à la fin :

Mettons maintenant qu’une scène de jeu 8 bits demande l’affichage d’une zone de couleur 250. Un écran 6 bits sans dithering en serait réduit à faire cligner les pixels entre les valeurs 248 et 252 :

Le clignotement s’opérant à une fréquence de 60 Hz, l’oeil verrait 30 fois le pixel à 252 et 30 fois à 248 en une seconde. Ce serait si rapide qu’il ne comprendrait qu’un mélange des deux, d’une valeur de 250. Toutefois, il y aurait un risque comme sur les CRT à cette fréquence de ressentir une gêne visuelle due à ce fourmillement.

Il serait finalement plus propre de travailler sur quatre pixels adjacents en répartissant les points 248 et 252 de manière équitable. Les pixels sont si petits que l’oeil ne voit qu’une couleur, d’une valeur de 250, qui plus est en un seul intervalle de temps (1 Hz) sans clignotement.

A gauche, l’oeil voit (252 + 248 + 252 + 248)/4 = 250,
à droite : (252 + 252 + 252 + 248)/4 = 249

Soit dit en passant, comme on le voit, un 6 bits avec dithering sur 8 bits ne travaillera pas sur 256 couleurs interpolées, mais 252. La valeur maximale en 6 bits est 11 1111, ce qui étendu à 8 bits donne 1111 1100 = 252.
253 nuances de rouge x 253 B x 253 V = 16,2 millions de couleurs, et non 16,7 M. D’où la différence de caractéristique entre les écrans de type TN, tous en 6 bits + FRC, et les dalles VA et IPS, en 8 bits natif.
Certains IPS et VA pratiquent un dithering 8 -> 10 bits
Le principe est exactement le même. Sur certains moniteurs, les fabricants et leurs clients, des spécialistes des arts graphiques, estiment que 256 nuances de couleurs ne suffisent pas. Ils n’ont pas forcément tord. On admet souvent un peu vite que l’oeil n’est capable de distinguer "que" 16 millions de couleurs. Disons que c’est bien pratique puisque les écrans sont surtout souvent incapables d’en afficher plus. Il suffit pourtant de regarder une mise de 256 nuances de gris, attentivement, pour se rendre compte que l’oeil distingue les zones les unes des autres, qu’il ne fait pas un amalgame de toutes, qu’on voit des aplats de couleurs, des zones frontières quand on passe à la nuance suivante... C’est ce dont vous pouvez vous rendre compte en fixant ce bout de mire :


Ceux qui ont une vue correcte et un écran précis et bien réglé peuvent voir des bandes verticales d’une largeur d’environ 14 pixels. Une fois que votre oeil se sera habitué à cette image, vous verrez ces bandes sur toute la longueur de la mire.

Appliqué à une photo normale, ce défaut peut devenir franchement sale et gênant quand on cherche justement des images les plus belles possibles. C’est là qu’apparaissent des défauts de solarisation, ces endroits où l’on voit les dégradés se décomposer par plaques.


Cet exemple créé sans dithering présente des sauts de couleur d’une plage à l’autre. On distingue dessus toute une série d’arcs de cercle, visibles en principe sur tous les écrans qu’ils soient 6, 8 ou 10 bits. Pour réduire ces effets, on peut introduire une diffusion d’erreur, c’est à dire mélanger des pixels de couleurs proches sur les zones de transition.


. Voici une autre mire, également avec dithering, utilisée pour test (dans une version de plus grande taille bien entendue) :


L’image ci-dessus mérite quelques explications :
- déjà, elle est composée exclusivement de nuances de gris. Il y en a qui, pas de chance, peuvent voir des arcs verts et rouge. Nous en avons fait l’expérience nous même.
- contrairement à ce qu’affichent certains écrans, cette mire présente un dégradé parfait, progressif. Les moniteurs qui affichent une boule foncé et unie au milieu affichent mal. C’était le cas par exemple de l’écran Nec quand sa luminosité s’écartait de sa valeur initiale, ce qui jouait comme on l’a vu directement sur sa fidélité dans le gris. Ceux qui verraient ici des sauts de couleur en permanence peuvent essayer de mieux régler leur écran en jouant sur le gamma dans l’OSD et/ou sur le contraste.

Pour compenser ce défaut, certains constructeurs comme Nec, Eizo, LaCie et Iiyama se sont mis à proposer des écrans 10 bits. En fait, des 8 bits + FRC :


Comme lors de la précédente explication sur le dithering 6 -> 8 bits, un processeur est chargé sur ces écrans 10 bits de répartir les erreurs, de les diffuser pour tirer les couleurs inconnues en 8 bits natif :



Ces écrans en 10 bits (8 bits + FRC) affichent des valeurs de 00 0000 0000 à 11 1111 1100, soit de 0 à 1021 = 1022 nuances (et non 1024). 1022 x 1022 x 1022 = 1,07 milliards de couleurs. D’où un rendu théorique meilleur, plus fin. Mais cela n’a rien à voir avec la technologie de la dalle, hormis le fait que ça ne concerne pour l’instant que les écrans de type VA (PVA, MVA, ASV) et IPS. Dans la pratique, le fait est que l’écran Eizo affiche dans l’ensemble des mires plus justes, plus fines que les autres. Dans l’ensemble, car ça varie dans le temps. Au meilleur de leur calibration, les trois écrans concurrents font aussi bien. Mais parfois ils s’écartent du droit chemin. Cette observation nous amène à penser que la justesse d’affichage de l’écran Eizo tient pour l’instant plus à la stabilité de son système lumineux qu’à leur dithering sur 14 bits.
Le dithering en pratique
Nous avons passé plusieurs mires sur nos quatre écrans, ainsi que nos images médicales noir et blanc 10 bits.

Mire de gris 8 bits

Il est des mires sur lesquelles les trois écrans calibrés proposent les mêmes rendus, et d’autres dans le genre du dégradé radial présenté plus haut sur lequel les différences sont radicales. Nous avons pu aisément établir un ordre de qualité sur cette mire :


n°1 Eizo L887, dalle ASV Sharp, 8 bits natif + FRC = 14 bits : le dégradé radial est parfait. Rien à redire.

N°2 Belinea 10 20 35W, dalle P-MVA AU-Optronics, 8 bits natif : le dégradé est bon. A certaines heures (quand la luminosité varie) on distingue un léger halo, des démarcations douces mais présentes lors de certains passages de couleurs. C’est néanmoins un bon résultat. Il faut vraiment scruter l’écran pour voir une différence avec l’écran Eizo. Mais elle est parfois là.

N°3 Hyundaï Q90U, dalle TN Samsung, 6 bits + FRC = 8 bits : le résultat est proche de l’écran Belinea, avec des démarcations un peu plus marquées. Encore une fois, ces marques varient au fil des heures. elles sont de perçeptibles à invisibles, quand l’écran retrouve les bonnes couleurs. Au pire on perçoit assez nettement un arc de cercle à 2,5 cm environ du centre de l’image.

N°4 Nec LCD 2170NX, dalle S-PVA Samsung, 8 bits. L’image varie du meilleur (dégradé parfait) au pire : un boule noire de 2,5 cm de diamètre au centre de l’image franchement dissociée du reste. Puis ça revient quelques haures plus tard au meilleur.

Images médicales 12 bits

Le logiciel fourni par Fenics a été prévu pour des écrans 8 bits : il n’y a pour l’heure que des dalles 8 bits sur le marché, hormis quelques modèles noir et blanc dédiés au monde médical. Il sert pourtant à afficher des images 12 bits, des TIFF de 34 Mo chacune.


Pour éviter les dégâts relevés lors des précédents tests de mire, Fenics ne se contente pas d’envoyer l’image tel quelle. Ils ont acheté une couche Mil Lite à Matrox, cette bibliothèque se chargeant de diffuser l’erreur en vue d’un affichage le meilleur possible en 8 bits. En clair : elle pratique un dithering inversé de 12 vers 8 bits. Le résultat est surprenant de qualité :

- les images sont quasi parfaites sur tous les moniteurs.
- tous les écrans se valent, du moins les quatre testés. En clair : Eizo n’affiche pas de plus belles images que les autres cette fois. Le rendu est le même sur tous.
- qu’on soit sur l’écran Eizo ou le Nec, on note quand même quelques légères ruptures de couleur, très légères, visibles seulement après un examen attentif des dalles. Cette frontière entre deux couleurs est sans doute liée à la perte d’information suite au passage de 12 à 8 bits à travers l’API Matrox.
- si on ouvre la même image sur deux écrans, l’un en 8 bits, l’autre en 12 bits, les deux avec diffusion d’erreur faite par l’API Matrox du logiciel, sans préciser qui est laquelle, l’image 12 bits remporte le plus souvent les faveurs des spectateurs sans pour autant qu’ils puissent expliquer ce sentiment. De fait, même en scrutant les images, on n’arrive pas à distinguer de réelle différence.
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