Un bug de sécurité coûteux côté serveur chez Intel

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Publié le 03/01/2018 à 13:41 par
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Des chercheurs semblent avoir détecté une vulnérabilité assez importante dans les CPU modernes, qui ne concernerait, c'est encore spéculatif, que les processeurs Intel. Les informations autour de ce bug sont assez limitées, les méthodes de mitigations sont connues mais pas exactement les méthodes d'attaques qui restent sous embargo.

Tout semble partir de ce blog datant de juillet dernier  qui décrit une tentative (a première vue ratée) d'accéder à la mémoire protégée (la mémoire utilisée par le noyau/kernel) à partir du mode utilisateur (userland, l'espace mémoire utilisé par les programmes classiques) avec les risques (massifs) que cela implique question sécurité. La méthode décrite sur le blog tente d'exploiter les mécanismes d'exécution spéculative intégrés dans les CPU modernes.

Pour rappel, les processeurs modernes, depuis le Pentium Pro, sont de type OOO (Out Of Order), non seulement les instructions des programmes ne sont plus exécutées les unes derrière les autres exactement dans l'ordre dans lequel elles existent dans les programmes (certaines instructions sont anticipées, l'exemple typique est le cas des chargement en mémoire, dont la latence est coûteuse), mais elles peuvent être exécutées en parallèle par différentes unités d'exécution.

Le vecteur proposé s'attaque à ce mécanisme en tentant d'exploiter le moment entre lequel une instruction non autorisée (une lecture d'une adresse mémoire non autorisée) est exécuté et celui ou il génère une erreur (une interruption). L'auteur du blog indique ne pas avoir réussi à lire la mémoire protégée via sa méthode, mais note que le chargement mémoire interdit est bel et bien effectué par le CPU même s'il ne copie jamais l'information dans le registre. Il note que l'exécution spéculative continue (dans les unités d'exécutions internes) jusqu'à ce que l'interruption soit effective, ouvrant la voie vers de multiples attaques potentielles basées par exemple sur les temps d'exécution des instructions  pour déterminer les adresses mémoires utilisées par le kernel, et potentiellement d'autres types d'attaques.

Connaître les adresses mémoires utilisées par le kernel, a partir d'un programme userland, est quelque chose que les systèmes d'exploitation tentent de rendre impossible par différentes techniques depuis des années, une des méthodes les plus efficace étant l'ASLR (Address Space Layout Randomization ) pour rendre aléatoires les adresses mémoires utilisées par les applications (et le kernel).

Depuis fin octobre, un patch est en développement pour Linux  pour tenter d'imposer de nouvelles restrictions et mieux protéger les espaces mémoires du noyau. Ce patch a été significativement réécrit et porte le nom de KPTI (Kernel Page-Table Isolation) qui comme son nom l'indique tente de séparer les tables qui pointent vers les pages mémoires utilisées par le noyau de toutes les autres.

Ce patch qui est encore en cours de développement mais il est significatif par son coût important sur les performances pour certains types d'applications. En pratique, ce sont les applications qui effectuent beaucoup d'appels aux instructions systèmes (syscall) qui sont les plus touchées.

Les premiers benchmarks réalisés sur ces nouveaux patchs par nos confrères de Phoronix  pointent des chutes de performances très significatives dans les benchmarks théoriques sur les I/O disques. Pour les tests pratiques, les plus gros perdants semblent être (assez logiquement) les logiciels de base de données avec des impacts variables jusqu'ici allant de 6%  à 25%  pour Postgres. Redis, dans la même veine, semble également notablement impacté.


Microsoft a été réactif en appliquant également un patch de ce type

Pour une utilisation non serveur, tout semble pointer vers un impact nul ou infinitésimal, pour preuve, Microsoft semble avoir également appliqué le même type de patch dès novembre dans Windows 10 . Au delà de benchmarks synthétiques, l'impact devrait être réduit, on peut le voir dans les benchs de Phoronix ou FFMpeg, x264 et la compilation d'un noyau Linux ne sont pas impactés.

Côté serveur l'impact est donc plus large, et semble toucher assez massivement les infrastructures Cloud où la virtualisation est largement utilisée et cette dernière particulièrement utilisatrice de syscalls pour isoler les espaces mémoires des machines virtuelles.

L'impact pratique final restera a mesurer, ce patch sera déployé dans la prochaine version du kernel (4.16) d'ici quelques semaines. Et il sera important de suivre quels CPU seront concernés en pratique. Car si le patch tel qu'appliqué actuellement sur le git  est appliqué de manière indiscriminée à tous les processeurs x86 (les architectures ARM/RISC ne semblent pas touchées), AMD a demandé a ce que ce patch ne soit pas appliqué sur leurs processeurs , indiquant que les microarchitectures du constructeur n'autorisent pas les références mémoires et les exécutions spéculatives qui semblent pointées par le premier blog plus haut dans cet article.

Il sera intéressant de suivre si, oui ou non, ce patch d'AMD sera accepté dans les prochaines semaines. On suppose qu'AMD dispose de détails encore sous embargo pour clamer ne pas être touché même s'il faut probablement être assez prudent sur la question tant que les détails ne sont pas dévoilés publiquement.

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